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L’immigration continue de hanter la politique nationale. Pourtant, elle a une foultitude d’effets positifs, comme l’ont montré bien des études économiques. Sur la natalité, du fait de son rôle de « réarmement démographique » des sociétés vieillissantes. Sur la richesse nationale, par l’accélération de la croissance économique. Sur le commerce extérieur, à travers l’augmentation des exportations vers les pays d’origine des immigrés.
Sur le budget, du fait que les immigrés contribuent plus en impôts et cotisations sociales qu’ils ne reçoivent en prestations individuelles. Sur la R&D, les immigrés, surtout les plus qualifiés, complétant le stock de capital humain du pays hôte et contribuant à stimuler la science et l’innovation.
Et, cerise sur le gâteau, les immigrés présentent un certain nombre de caractéristiques observables (niveau d’éducation et de santé) et inobservables (goût du risque, motivation) différentes des autochtones ; ils sont plus jeunes et en bonne santé, ils ont un niveau d’instruction en moyenne supérieur aux autochtones.
Mais le contexte politique brûlant, dans la France d’aujourd’hui, ne permet pas une analyse circonstanciée. Les débats sur l’immigration sont biaisés ; le discours l’emporte sur les faits, les humeurs érodent la factualité. Excluant toute description minutieuse des faits, les émotions provoquent une altération de la réalité. Dirigées par des algorithmes, elles rétrécissent la curiosité commune. Débarrassées des « faits inconfortables » (Max Weber, Le savant et le politique, La Découverte, 2003), elles morcellent les valeurs.
L’enjeu est de taille : il s’agit ni plus ni moins de notre vivre-ensemble et de notre démocratie. Les débats les plus acérés ont besoin d’une base factuelle communément admise, pour qu’ils soient compris et partagés (G. Muhlmann, Pour les faits, Les Belles Lettres, 2023). Mais il ne s’agit pas ici de vilipender les émotions des citoyens ; il s’agirait plutôt de comprendre ce qui les provoque. Ni inversement de jeter aux orties les arguments des économistes ; il faudrait plutôt comprendre les soubassements idéologiques qui les soutiennent.
En tout cas, sondage après sondage, les Français rejettent dans leur majorité l’immigration venant de pays non européens, malgré le coût que ce refus génère pour leur portefeuille. Ils le font au nom de leur vision du monde (Weltanschauung), c’est-à-dire au nom de leurs valeurs. Peut-être cette vision reflète-t-elle simplement ce qu’une société s’accorde à tenir pour réel à un moment donné de son évolution lorsqu’elle ne dispose pas de pondération de réalité. Ou peut-être est-elle le reflet de la convergence des luttes des réseaux sociaux et des médias traditionnels aboutissant à une acculturation de l’opinion.
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